Restrictions du droit à l’IVG: « les femmes ont peur et sont en colère »

Restrictions du droit à l’IVG: « les femmes ont peur et sont en colère »

Le 24 juin dernier, cinq des neuf juges de la Cour Supreme des Etats Unis ont voté pour l’abrogation de la célèbre décision Roe v. Wade de 1973 qui consacrait la protection du droit à l’avortement au niveau national. Avec cette décision de 1973, aucun Etat des Etats Unis ne pouvait interdire l’avortement sur son territoire. Cette décision d’abrogation était fondée sur la protection du droit à la vie privée elle-même protégée par le 14ème amendement de la Constitution des Etats Unis. Après l’adoption de nombreuses lois restrictives concernant l’avortement ces derniers mois, l’avortement est désormais interdit dans treize Etats et gravement menacé dans treize autres.

J’ai réalisé un entretien avec une Américaine originaire du Nebraska, Etat fortement menacé de rendre illégal l’avortement. L’interview est traduite de l’anglais, pour plus d’authenticité, je préciserai les réponses originales entre parenthèses, le reste sera en français pour faciliter la compréhension de ce témoignage.

Peux-tu te présenter rapidement ?

Je m’appelle Allyson, j’ai 23 ans et je suis actuellement libraire.

  • Quelle a été la conséquence de l’abrogation de l’arrêt de la Cour Supreme Roe v. Wade dans ton Etat (Nebraska) ?

Il n’y a pas de réelles conséquences pour le moment mais il y aura des délibérations après les élections de mi-mandat pour décider si cela va changer.  (No consequence right now, but there will be a hearing after the midterm elections to decide if that will change).

  • As-tu senti une ambiance autour de toi à la suite de cette décision de la part de tes proches/ collègues/ opinion publique ?

Oui. La majorité des opinions que j’ai vu était négative, les femmes ont peur et sont en colère. J’ai aussi vu quelques personnes qui se réjouissaient de la décision mais ne sont pas nombreuses. (Yes. A majority of the opinions I have seen are negative – women are scared and angry. I have also seen a few people with positive reactions to the decision, but they are few and far between).

  • As-tu senti que ton entourage ou que l’opinion publique était plutôt pour cette décision d’abrogation ?

Je n’y suis pas favorable, et la plupart des personnes dont je m’entoure ne sont pas non plus favorables à cette décision. (I am not in favor, and most of the people I surround myself with are also not in favor of the decision).

  • Il y a-t-il eu des mouvements de protestation pour manifester contre cette décision dans ton Etat ?

Oui. Il y a eu des manifestations à Omaha (plus grande ville du Nebraska). Cependant la majorité des manifestations ont lieu dans les autres Etats, ceux qui sont plus affectés ou à Washington DC où se trouve la Cour Suprême. (Yes. In Omaha, there have been protests against the decision. However, a majority of the movements and protests are in other states that are more affected, or in Washington DC where the Supreme Court is located).

  • Il y a-t-il eu des mouvements de solidarité entre les différents Etats ?

Oui, mais il a toujours la possibilité pour qu’une femme qui se fasse aider à avorter dans un Etat où c’est légal puisse être punit à son retour dans son Etat. (Yes, but it is still possible that the women traveling to other states can be punished after returning to their own state).

  • Penses-tu que l’institution de la Cour suprême est démocratique ?

La Cour suprême n’est pas démocratique dans son essence. (The Supreme Court is not democratic at heart).

  • Tu veux rajouter un dernier détail ? (ton ressenti personnel par exemple).

La Cour Suprême est censée faire respecter la constitution, mais beaucoup de femmes ont le sentiment légitime que leurs droits ont été violés. La décision va au-delà des limites de ce que la Cour le prétend, ce qui signifie que certaines femmes ont perdu l’accès aux médicaments vitaux des médicaments et des procédures vitales comme l’avortement D&E (avortement « dilatation et évacuation » qui a lieu pendant le deuxième trimestre de grossesse) pour les fœtus non viables. C’est un effrayant d’être une femme en Amérique. (The Supreme Court is supposed to uphold the constitution, but a lot of women are rightfully feeling like their rights have been violated. The decision goes beyond the limits of what the court knows, meaning that some women have lost access to life-saving medications, life-saving procedures like a D&E abortion for unviable fetuses. It’s a scary time to be a woman in America).

En soutien aux américain.es impacté.es directement par cette décision, plusieurs rassemblements ont eu lieu. J’ai pu participer à celui de Rennes qui a eu lieu le 30 juin dernier et en voici un petit résumé en photos. Ce rassemblement a été organisé par le planning familial d’ille et vilaine (https://www.planning-familial.org/fr/le-planning-familial-dille-et-vilaine-35). Bien que peu relayé sur les réseaux sociaux, la place de la république était saturée. C’est naturellement que le planning familial a ouvert le temps de parole de la manifestation. Différents adhérents du planning ont pris la parole pour exprimer leur manifester leur mécontentement face à cette décision et ont rappelé la fragilité de l’IVG dans le monde et également en France.

/ Plusieurs représentants parlementaires étaient également présents, c’est d’ailleurs la sénatrice d’Ille et Vilaine qui a pris la parole par la suite. Sylvie Robert a tenu à expliquer le combat qu’elle mène pour tenter de constitutionnaliser le droit à l’avortement en France afin de le protéger. Mais plusieurs mois après ce rassemblement, la constitutionnalisation du droit à l’avortement n’est toujours pas à l’ordre du jour, ce dernier étant monopolisé par d’autres sujets importants tel que rendre obligatoire le port de la cravate pour les membres de l’Assemblée nationale.

/ La CGT a pris la parole ensuite.  C’est par un témoignage poignant d’un.e membre de l’association « du pain et des roses » (insta :@du_pain_et_des_roses) sur le récit douloureux d’un IVG  que le ressemblent s’est poursuivi. Plusieurs militant.es de ce collectif « féministe, internationaliste, révolutionnaire et anti-impérialiste » ont ensuite pris la parole et ont rappelé leur soutien et solidarité envers nos adelphes à l’international. Il était important de rappeler que dans beaucoup de pays, sur tous les continents, le droit à l’avortement est soit interdit, soit extrêmement réglementé ce qui le rend impraticable de manière implicite. L’association féministe « Nous toutes 35 » puis Frédéric Mathieu, député de la première circonscription d’Ille et Vilaine se sont exprimés par la suite.

Ce rassemblement, bien que trop peu relayé, était une bonne occasion pour rappeler que des droits qui nous paraissent fondamentaux ou acquis sont en réalité très fragile et qu’il va falloir continuer de se battre pour les faire respecter. Si vous êtes à Rennes, rendez-vous le 28 septembre pour le prochain rassemblement. Et comme le disait si bien Gisele Halimi « nous ne faisons pas de croisade pour l’avortement, nous nous battons pour que les femmes soient libres de leur maternité ».

Lyse Morelle

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