Deux dessins de Cézanne retrouvés, deux années pour rétablir l’authenticité

Deux dessins de Cézanne retrouvés, deux années pour rétablir l’authenticité

Hiver 2020. Un dessin, parmi d’autres, retrouvé au hasard d’une succession, dans le sud de la France. Signé, Paul Cézanne. Après plus de deux années de recherche pour établir son authenticité, ce dernier a été vendu cet hiver, lors d’une vente aux enchères. Retour sur la vie du peintre, aujourd’hui figure de proue du XIXème siècle artistique. 

Un artiste autodidacte connu tardivement 

Peintre artisan, Cézanne alterne les séjours parisiens, les retours à Aix et les voyages en Provence. Si aujourd’hui l’artiste est expressément présenté comme appartenant au mouvement impressionniste, ses premières œuvres n’ont pas grand à voir avec celles des artistes appartenant audit courant. Pour les artistes impressionnistes, la couleur, bien que progressivement libérée à elle-même, demeure au service de la lumière extérieure. Pour Cézanne, la couleur se déploie au regard de sa propre logique, absolument pensée, réfléchie. Autodidacte, il ne fera pas l’Ecole des Beaux-Arts. Il ne fréquentera pas (non plus) de cours particuliers. Pour certains de ses semblables, une maladresse semble conséquemment émaner des ses peintures, jugées peu homogènes. « Le peintre le plus mauvais de la France s’appelle Paul Cézanne, c’est le plus maladroit, le plus catastrophique, celui qui a plongé l’art moderne dans la m… qui est en train de nous engloutir… », signé Salvador Dali. Boudé par ses contemporains, jugé “maladroit” par d’autres, le nom de Cézanne n’a pas connu de reconnaissance immédiate. Paris, 1889, dixième exposition universelle. C’est à cette date – où débute la construction de la tour Eiffel – que les peintures de Cézanne sont montrées pour la première fois, publiquement. 

Cézanne et Emile Zola, une amitié brisée par la littérature 

Jardin des Tuileries, 75001, Paris. Devant l’architecture de l’ancienne orangerie du Palais des Tuileries, le présent musée accueille la plupart des œuvres du peintre. “Les grandes Baigneuses”, “Le Garçon au gilet rouge”, “Le Panier de pommes”, autant de peintures qui doivent vous évoquer ce célèbre peintre impressionniste – considéré comme précurseur du post-impressionnisme et du cubisme – qu’est Paul Cézanne. Lié d’amitié avec Émile Zola avec qui il fréquente le collège de Bourbon, les deux deviennent rapidement les « inséparables ». Alors que Paul Cézanne défend Zola, encore jeune, dans la cour de récréation, ce dernier lui offre, en remerciement, un panier de pommes. Il suffit à ce jour de regarder les tableaux de Cézanne pour constater la redondance du motif dans ses natures mortes. “Nature morte aux pommes et aux oranges”, “La Corbeille aux pommes”, “La Bouteille de menthe poivrée”, autant de peintures qui soulignent les « obsessions picturales” de Cézanne. 1886 signe néanmoins l’arrêt de l’amitié entre les deux hommes. Cézanne s’est, paraît-il, reconnu dans le portrait peu flatteur érigé à l’égard du personnage de Claude Lantier, figure centrale du premier roman de Zola, L’Oeuvre. 

Au commencement était l’émotion” 

Russie, 1918. Kadinsky, figure de proue de l’avant-garde, écrit « Il savait faire d’une tasse à thé une créature douée d’une âme, ou plus exactement reconnaître dans cette tasse un être. Il élève la nature morte à un niveau tel que les objets extérieurement “morts” deviennent intérieurement vivants. Il traite ces objets de la même façon que l’homme, car il avait le don de voir partout la vie intérieure ». Mais, il n’est pas le seul à avoir philosopher sur son œuvre. En Paul Cézanne, le philosophe Martin Heidegger – bien que controversé par ses semblables –  a rencontré un peintre du dépassement de la métaphysique, faisant écho à ses propres recherches. La rencontre entre un peintre français et un philosophe allemand ? Les deux génies, malgré leurs chemins différents, convergent leur questionnement en une question. La question de l’Être. L’un, dans la parole, l’autre, dans la couleur. En témoigne le récent ouvrage de Hadrien France-Lanord, La couleur et la parole. 

A partir de 1945, l’œuvre de Cézanne devient un des sujets de réflexion du philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont l’analyse langagière du peintre est telle que ce dernier :  “pense en peinture”, se construit sur la “sensation” et “l’expression de la perception ». 

Une authenticité prouvée grâce à deux années de recherche

Vraisemblablement peinte entre 1856 et 1857, soit au début des années d’apprentissage de Cézanne, l’œuvre en question se compose de deux dessins. Au dos, quelques mots inscrits de la main de Jean-Pierre Cézanne, petit-fils dudit peintre. “Le dessin ci-contre était un dessin original de (mon) grand-père». Au recto, à la plume, encre brune et crayon. On y voit un soldat, tenant une petite bouteille, face à une vieille dame, pieds nus, tenant, elle, une fiole. Le verso comporte un paysage typoque du sud de la Franceréalisé par Marie Cézanne, la sœur cadette de l’artiste. Commence alors le début des recherches. Des experts parviennent, à l’issue de deux années, à authentifier le dessin double face comme appartement au carnet dit “De Jérusalem”. «Ce carnet de jeunesse de 24 pages comportait les premiers dessins de Paul Cézanne. Six, dont celui que nous avons vendu aujourd’hui, ont été détachés, les 18 autres ont été vendus par le petit-fils à un collectionneur américain qui en a ensuite fait don à l’Israël Museum de Jérusalem», a indiqué Me Collet, commissaire priseur rémois responsable de la vente du dessin. Distingué par sa rareté, le dessin constitue un indice, explique Me Collet, sur les premières inspirations du peintre. Originellement, ce dernier avait estimé l’œuvre entre 20. 000 et 30. 000 euros. 

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