Hans Zimmer : de la création musicale au règne de la bande-originale

Hans Zimmer : de la création musicale au règne de la bande-originale

Des années 1970 à aujourd’hui, il n’y a qu’un pas. Cela, Hans Zimmer l’a très bien compris : compositeur des bandes originales des films les plus connus des années 1980, il est aujourd’hui une figure marquante du cinéma et de la génération 1990-2000. En ce mois d’octobre, il débarque sur TikTok, propulsé par une omniprésence sur le réseau.

Que celui qui n’a jamais utilisé sa chambre comme piste de danse sur une BO de Hans Zimmer me jette la première pierre. De l’ascension épique de Simba sur King of Pride Rock (Le Roi Lion) aux larmes de Matthew McConaughey sur S.T.A.Y (Interstellar), en passant par les quatre accords les plus énigmatiques du cinéma dans Time (Inception), le compositeur a laissé sa marque. Jusqu’à en éclipser les compositeurs les plus talentueux de l’industrie cinématographique. 

Une ascension vertigineuse

Il reste tout de même difficile de résumer en quelques lignes toute sa carrière. Né le 12 septembre 1957 à Francfort, il poursuit la voie de la musique en autodidacte : sans solfège, avec quelques cours de piano, pour finalement se diriger très rapidement vers la composition.

Se tournant vers la musique électronique, il rejoint en 1971 le groupe électronique The Buggles, et apparaît dans le clip de la célèbre chanson Video Killed the Radio Star – une apparition au clavier, sans toutefois avoir participé à l’écriture de la chanson.

Sa collaboration avec Stanley Myers, au début des années 1980, l’emmène jusqu’à l’Oscar de la meilleure musique en 1994 pour le Roi Lion, après plusieurs nominations infructueuses. Son succès se poursuit avec plusieurs collaborations avec les réalisateurs les plus influents : Ron Howard (Da Vinci Code), Gore Verbinsky (Rango, Pirates des Caraïbes), Christopher Nolan (Inception, Interstellar, Batman), Steven Spielberg (The Pacific).

TikTok : La renaissance ?

Aujourd’hui, Hans Zimmer est influent et il le sait : c’est sur TikTok que le célèbre compositeur est aujourd’hui très présent. Grâce à son public, tout d’abord : les vidéos utilisant les bandes originales du compositeur ont fleuri sur le réseau. Facilitées par le format court proposé par la plateforme, on y retrouve des classements de ses meilleures compositions (regroupant souvent les mêmes : Le Roi Lion, Dunkerque, The Holiday, Inception, Gladiator … soit des films très souvent utilisés au sein de la sphère TikTok.

Des vidéos rétrospectives des meilleures scènes de film aident également à mettre en avant la musique du compositeur. Emotion, mise en scène, le tout couplé à une bande originale hypnotique : le cocktail parfait pour devenir le roi de la musique de cinéma sur le réseau.

Fidèle à ses fans, Hans Zimmer s’inscrit début octobre sur la plateforme pour y proposer le #DuneMovieDuet – la possibilité de jouer en même temps que le compositeur sur « Paul’s Dream », la star de la BO de Dune sorti le 15 septembre en France.

@ericvernay – Twitter

Une omniprésence technique et artistique critiquée

Il est visible partout, son nom est inscrit sur la moitié des affiches de films sortant chaque mois : Hans Zimmer est-il trop présent ?

En 1889, le compositeur fonde sa propre boîte de production, Media Ventures, ensuite renommée Remote Control Productions. Elle est l’occasion pour lui d’aider de jeunes compositeurs talentueux, à l’image de son travail avec Stanley Myers. L’occasion aussi, selon certains, d’accélérer l’uniformisation des musiques de cinéma. La « patte » Zimmer est aujourd’hui apposée partout : des percussions sonores, un mélange entre orchestre et musique électronique, le tout couplé à des basses profondes et un travail mélodieux répétitif. Cela fonctionne : la musique reste en tête, on marche dans la rue avec du Hans Zimmer dans les oreilles et l’impression de vivre dans une bande-annonce géante.

Le compositeur a créé, grâce à cette boîte de production, une véritable industrialisation de la musique de cinéma : Klaus Badelt (Pirates des Caraïbes, l’Arnacoeur), Ramin Djawadi (Game of Thrones), Harry et Rupert Gregson-Williams (Shrek, Wonder Woman) ou encore John Powell (Dragons) sont tous issus, ou ont du moins travaillé avec le studio Remote Control. De quoi poser des questions sur l’indépendance de ces musiciens, sur la posture de Hans Zimmer – qui garde bien souvent son nom accolé sur l’affiche – et sur les réelles possibilités musicales que l’on peut espérer pour le cinéma.

Un travail d’orchestration hypnotique : la clé du succès

Malgré cela, il convient de (re)mettre en avant le génie musical de celui qui a composé les BO de nos films préférés. Malgré des musiques parfois « mainstream », qu’on peut retrouver sur une scène épique comme dans un reportage émouvant le dimanche soir sur TF1, la capacité de traduction des émotions en musique de Hans Zimmer est tout bonnement surprenante.

Selon une analyse des techniques de composition de la musique Time (Inception)1, on comprend que la création passe par l’intention artistique du réalisateur et du compositeur – ici, allier la thématique du rêve avec la chanson Non, je ne regrette rien d’Edith Piaf, base de toute la bande originale du film. Ensuite, Hans Zimmer allie deux accords mineurs et deux accords majeurs, répétés grâce à la technique de l’ostinato (un motif mélodique ou rythmique répété obstinément). Le tour est joué : simple, mais efficace, Time s’accorde parfaitement avec la quête de Dom Cobb dans le film.

Cette recherche artistique vaut également pour Interstellar, où les techniques musicales se rapprochent de celles employées dans le film2. Dans une scène, Cooper lutte contre le Dr Mann sur une planète glacée ; au même instant, Murph retourne dans sa maison d’enfance et y cherche des indices l’aidant à résoudre son équation. On retrouve le style d’écriture de Hans Zimmer : superposition de strates musicales, ostinatos, bourdonnement des basses. Tout au long de la scène, et selon les rebondissements qu’elle propose, l’orchestration est telle qu’elle correspond parfaitement à l’amplification dramatique de la scène.

Hans Zimmer : une icône intergénérationnelle ?

Malgré cette place très (trop ?) importante, si l’on s’en tient à la musique, et seulement à la musique, on ne peut pas oublier que Hans Zimmer a créé les bandes originales les plus connues à ce jour. Tandis que nos parents se souviennent du Roi Lion ou de Da Vinci Code, nous nous souviendrons de Dune, The Dark Knight, Kung Fu Panda – Hans Zimmer a traversé les années 1990-2020, formant de nouveaux compositeurs talentueux et posant sa patte artistique sur les plus grands films.

Lors du concert « Hollywood in Vienna », l’ensemble des musiciens a les yeux rivés sur le compositeur, qui propose une improvisation sur Inception (encore elle). Tel un seul être, l’orchestre ne fait qu’un sur les quatre accords employés, les violoncellistes souriant à l’arrivée de Zimmer. On peut critiquer, à raison, l’omniprésence du compositeur dans l’industrie musicale. On peut aussi mettre en avant les émotions et frissons qu’il nous fait ressentir, et à l’écoute de ce concert, pas de doute, ils sont bien là.

Clémence Leboucher

1 – https://composer-sa-musique.fr/les-techniques-de-composition-dhans-zimmer-analyse-de-time/ 2 – « Interstellar de Hans Zimmer : plongée musicale au coeur des drames humains, par-delà l’infiniment grand. Pour une autre approche de l’esthétique zimmerienne ». Création musicale et sonore dans les blockbusters de Remote Control. Volume 5, Numéro 2,2018,p. 103–124

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *