Enfin, Gérald Darmanin s’est prononcé sur le tristement célèbre groupuscule d’extrême-droite Génération Identitaire. Les opérations très médiatiséss antimigrants dans les Alpes ou les Pyrénées auront au bout du compte choqué notre ministre de l’Intérieur, qui s’est déclaré lors du compte rendu ministériel du 26 janvier « scandalisé par le travail de sape […] de la République des militants de Génération Identitaire ». Une enquête est lancée, et des propres dires du ministre de l’Intérieur, « si les éléments sont réunis, je n’hésiterai pas à proposer la dissolution ».
L’association ayant déjà échappé en février 2019 à cette sentence faute d’arguments imparables, la perspective qu’elle soit dissolue est encore loin d’être certaine. On voit déjà certains acteurs de l’extrême-droite invoquer la liberté d’expression, se plaisant à rappeler que les actions de Génération Identitaire sont avant tout symboliques, qu’il n’y a pas eu de morts, et que les ratonnades dont se rendent coupable certains de ses membres sont avant tout le fait de quelques individus ça et là qui ne reflète en rien le tendre et angélique visage de l’association. D’autres vont encore plus loin, faisant de Génération Identitaire une sympathique troupe de héros cherchant à lutter contre le méchant migrant toujours avide de sang de souche française. On a pu voir Thais D’Escufon (militante et surtout figure du proue du groupe) dans Balance Ton Post présenter le projet Génération Identitaire, bien aidée dans cette démarche par Jean Messiha (figure importante de l’extrême-droite) ou encore Geoffrey Lejeune (journaliste à Valeurs Actuelles). Des dires de ce dernier, « Les gens ne connaissent pas exactement qui ils sont ni ce qu’ils font » et les associer au néo-nazisme et à l’extrême-droite seraient une erreur de lecture crasse. Florian Philippot lui-même a saisi sa plus belle plume pour dénoncer les propos de Darmanin, « définition d’une tyrannie », et se perdre dans un sophisme encore plus audacieux (Il suffit donc d’être scandalisé pour dissoudre, contre la liberté d’expression et la liberté politique ? Je suis scandalisé par En Marche, puis-je demander sa dissolution ? Quoi qu’on pense de #GénérationIdentitaire la règle c’est la loi, pas l’opinion d’un ministre).
Pourtant, toute cette affaire de dissolution de Génération Identitaire semble faire beaucoup de bruit pour pas grand chose. Que l’association soit enfin épinglée de façon concrète est évidemment une bonne chose, et il ne faudrait pas cracher dessus. Mais cette posture de Gérald Darmanin semble être un positionnement dont l’utilité est avant tout médiatique, plus qu’une tentative ayant de réelles chances de mettre à mal ces groupuscules militants et violents d’extrême-droite. Par cette action, le ministre de l’Intérieur semble vouloir communiquer sur les frontières fondamentales qu’il y a entre la politique gouvernementale et les idées du Rassemblement National et ce qui gravite autour. Darmanin s’était en effet fait remarquer cet été en employant des termes comme « l’ensauvagement de la société », rhétorique analogue à celle de Marine Le Pen et de ses partisans. Le projet de loi Sécurité Globale avait également valu au gouvernement d’être accusé d’effectuer une dérive autoritaire, politique que le RN affectionne. On peut enfin penser au déjeuner secret entre un conseiller d’Emmanuel Macron et Marion Maréchal Le Pen. Chercher à taire ces comparaisons est évidemment une priorité pour le gouvernement s’il veut continuer de se présenter comme légitime en barrage fondamental de l’extrême-droite. La menace de dissolution de Génération Identitaire s’inscrit pleinement dans ce contexte.
Mais se contenter de dissoudre l’association est une démarche assez creuse. Elle satisfera une partie de l’opinion »modérée » avide de ce genre de symbole, et sera abordé comme un étendard par la majorité dès lors qu’elle cherchera à exemplifier son opposition catégorique aux mouvances d’extrême-droite. Au fond, qu’importe : c’est une manœuvre politique classique, et on pourrait même prendre le risque d’être convaincu de la bonne volonté de Darmanin lorsqu’il souhaite dissoudre le groupe. Ne nous risquons pas à un procès d’intention trop hâtif. Les types de Génération Identitaire sont évidemment d’affreux couillons qui de surcroît se payent le luxe d’être dangereux. Des affreux couillons qui justement ne perdront pas de temps une fois leur association dissoute pour en fonder une nouvelle, et renouveler constamment leurs méthodes nauséabondes et néfastes. N’oublions pas que Génération Identitaire est en quelque sorte l’héritier du mouvement Unité Radicale, dissolue en 2002 suite à la tentative d’attentat d’un de ses membres sur Jacques Chirac. La menace d’une dissolution de Génération Identaire ne réglera évidemment pas le problème des militants d’extrême-droite, fachos et néo-nazis : elle déplacera juste le problème sous un autre sigle, tout en assurant au gouvernement une bonne couverture médiatique.