Rester caché ou être vu : la représentation du break* dans les arts dits « reconnus »

Rester caché ou être vu : la représentation du break* dans les arts dits « reconnus »

Une goutte de sueur sur le front, un pied qui glisse sur le sol et est lancé en l’air, entraînant avec lui un torse et des bras qui se rattrape au dernier moment au sol, le temps s’arrête, le mouvement est figé dans le temps, autour des mains sont arrêtées dans leur applaudissement, les bouches sont ouvertes dans une exaltation, et les sourires marquent de leurs traits chaque visage. C’est un battle de break*, bboy* et bgirl* s’affrontent entraînés par la musique qui fait vibrer le sol. Vous voyez dans votre esprit cette scène, mais suis-je en train de vous décrire ce que je vois réellement ou ce que j’ai imaginé ? En avez-vous déjà vu sur scène ou dans des films ? Comment est la représentation du break et de la culture hip-hop*, est-elle assez présente ? Voilà tant de questions que nous nous sommes posées à l’occasion du Festival Urbaines à Rennes sous la pluie de février.

Montage photo : Florian Bourcier

Pendant cette semaine chargée du festival, de nombreuses personnes ont pu voir représenté cette danse née de la rue, dans un lieu tout autre qu’en bas des tours : c’est à l’Opéra de Rennes ce 2 mars, qu’a eu lieu le battle Co(opéra)tif, pour la deuxième année consécutive. Organisé par le génial Stanislas Doki, représentant de l’association Dimension Cult, ce battle ayant lieu dans un lieu traditionnel tel que l’Opéra nous a donné une preuve de l’ouverture effectuée face au break, on a donc pris cet événement comme point de départ à nos questionnements.

On a alors demandé à quelques participants au battle grignotant le reste des chocos dans les loges avant leur passage sur la scène de l’opéra ce qu’ils pensaient de ce choc des cultures. Globalement entre deux bouchées et chutes de miettes on en retient que ce choc permet une ouverture d’esprit pour les représentants des deux cultures, ainsi qu’une ouverture face à l’autre autant dans son travail que dans sa sensibilité. C’est aussi le discours qu’a tenu Ayã, breakeur depuis plus de dix ans.

Pour lui, ce battle à l’opéra, c’est une concrétisation de rêves de la génération qui était présente avant lui, car ils ont lutté pour essayer de se faire accepter, cependant, ce serait une suite logique et cela ne devrait pas être surprenant : « Tout art a commencé dans la rue avant de s’ériger dans des lieux plus « nobles ». »

On a alors précisé nos questionnements, qu’en est-il de cette représentation, a-t-on besoin d’une plus grande visibilité du break* et de la culture hip-hop* ? Selon lui ce n’est pas une nécessité, car le break* s’est toujours débrouillé sans : « Le besoin médiatique dont on a pu avoir besoin est déjà passé depuis bien longtemps, se faire accepter n’a jamais été un obstacle pour qu’on ait des passionnés et des défenseurs de nos traditions».

Durant ce battle on a eu l’occasion de voir du break* dansé sur scène, pourtant lorsque celui-ci est représenté lors des spectacles, il est très souvent mélangé à d’autres types de danses comme le contemporain, mais comme nous le montre Ayã, ce métissage peut être bénéfique, « c’est plus enrichissant pour proposer un projet avec un fond qui veut pousser à une réflexion et des émotions, cependant avant de vouloir mélanger il faut savoir proposer dans les traditions de chaque technique. ».

« Je pense que le break et la culture hip-hop sont une aubaine pour le reste, le monde a besoin de renouveau sans cesse et c’est ce que fait la culture hip-hop. »

Photo 1 et 2 : Bboy Ayã. Photo 3 et 4 : Bboy Rasco (Source : Instagram, @bboydaybeat, montage photo : Florian Bourcier)

Mais alors, si le break est aujourd’hui accepté sur scène, et n’a plus aucune retenue dans son explosion, qu’en est t-il des représentations cinématographiques d’aujourd’hui ? C’est lors d’un autre événement, un stage mêlant break et cinéma, que nous avons pu rencontrer un de ces danseurs qui vole au dessus du sol. On a donc attendu qu’il atterrisse afin de nous éclairer sur ces questions.

C’est donc au prénommé Oscar Lassus dit Layus, dit Bboy Rasco danseur de break depuis dix ans qu’on a eu l’opportunité de poser nos questions. Pour lui, le break au cinéma est premièrement difficile à représenter car « les breakeurs sont difficilement atteignable et ne souhaitent pas nécessairement transposer leur univers ». Il ajoute que « ce n’est pas un besoin de représenter le break dans ce domaine, mais, il est cependant dommage de mal le représenter car les gens ne comprennent pas réellement ce qu’est le hip-hop ». C’est ainsi qu’on aboutit à des représentations stigmatisées, et qui ne montrent jamais le break tel qu’il est réellement. Ainsi, pour Oscar, le documentaire serait le format le plus adapté afin de représenter le break et sa culture le plus précisément possible.

Après nous avoir avoué son goût pour ces films de danse, ou l’on sait tous très bien comment ça va se finir, (ne nous cachons pas, on est tous attirés par les comédies romantiques de Noël) il nous explique que dans ces films « il y des bêtes de Bboy » mais que ce sont les acteurs qui sont mis en valeur. Il ajoute qu’une surreprésentation du break au cinéma lui ferait perdre sa qualité, comme cela a été le cas pour le rap.

« La danse c’est que du plaisir, il ne faut pas l’oublier, il faut continuer à danser et rester soi-même ! ». C’est ça l’essence du hip-hop et il ne faut pas l’oublier !

Et si on voyait cette danse sur les écrans, sur des centaines d’écrans pendant des dizaines d’années, cela ferait-il perdre le charme de ce réseau actif mais inconnu ? Cet attrait et cette affection pour la culture hip-hop ne viendraient-ils pas du fait qu’elle n’appartient qu’à ceux qui la vivent ? Si cette culture repose sur l’échange et la transmission, peut-on vraiment penser qu’elle puisse se faire à l’écran ? On peut partager la technique et les habitudes des danseurs, mais il est difficile de retranscrire l’émotion et les sentiments qui circulent entre eux.

La danse est un magnifique partage, car elle se ressent.

Montage photo : Florian Bourcier

Où peut-on les retrouver ?

Pour retrouver Ayã et Oscar lors d’événements :

•      Pangée – Compagnie Primitif – 26 avril à Liffré : Spectacle mêlant break et contemporain

(vu et approuvé par l’équipe)

•      Vortex Rookies, vol.3 – 17 avril – battle pour jeunes et amateurs

•      Vortex Jam – 30 novembre – battle international

Battle Co(Opéra)tif et le stage qui la précédé :

•      Association Dimension Cult, tenue par Stanislas Doki (à retrouver sur le compte Instagram éponyme à l’asso)

•      MJC Bréquigny, Rennes

Stage break et cinéma :

•      MC Grand Cordel, Rennes

•      Intervenants : Oscar et Corto Lassus, dit Layus ; respectivement en danse et cinéma

Petit point vocabulaire :

•      *Break : Contrairement à ce que l’on entend régulièrement, le terme « breakdance » est erroné, il a persisté par erreur des journalistes des années 70-80. Le terme « break » définit un style de danse, qui se décompose en plusieurs bases, à partir desquelles les danseurs créent leurs propres pas. Le break se distingue facilement d’autres danses par ses phases au sol.

•      *Bboy/ Bgirl : Nom que l’on donne aux danseurs de cette discipline. Elle signifie littéralement « Break boy » ou « Break girl ». Les « Bboy » sont les hommes, et cette appellation va précéder le nom qu’ils se sont choisis (ex : Bboy Rasco), mais qui peut aussi bien être leur prénom (ex : Bboy Ayã). Quant aux femmes, vous l’aurez compris, leur nom est précédé de l’appellation « Bgirl ».

•      *Hip-hop : Cette culture née du Bronx dans les années 70, rassemble quatre disciplines : Les DJ (mixer des sons pour animer les soirées de l’époque, et aujourd’hui les événements), les MC (Master of Ceremony à l’époque, qui sont les ancêtres des rappeurs), les Bboy et Bgirl, et les graffeurs (par exemple qui peignaient les lieux, ou faisaient des tracts publicitaires d’événements, à l’époque).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *